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Lo tèxte-Le texte

Textes de Jean Froissart (1337-1405) - Alain Muñoz

Les textes présentés ici le sont en langue française. Lors de la représentation, seuls les textes de Froissart seront dans cette langue afin de respecter les écrits originaux. 
Les quatrains en octosyllabes seront en occitan, traduits par Jean-Louis Lavit, comme l'auròst, issu du livre des oraisons.

Le livret qui sera distribué à l'entrée sera bilingue et précisera les interventions des chanteurs et danseurs.

Au tombeau de Fébus - Au hossat de Fèbus

1

C'est dans la crypte abandonnée

D'un couvent jadis prospère

Que notre histoire va commencer

Au cœur d'un monde de misère

1.
Qu’ei dens la cripta abandonada

D’un convent temps a prosperant

Qu’aquesta istòria ei condada

Nosta misèria esclairant

2

Les papistes et les parpaillots

Pendant la guerre des cimetières

Bouleversèrent les tombeaux

Jusqu'au plus Saint des monastères

2.

Papistes, parpalhòts hant guèrra

Au mei cabens deus cemitèris

Deus hossats que virèn la tèrra

Dinc au mei Sant deus monastèris

3

Moi je ne suis qu'un petit rien

Simple bouffon gardien des morts

Le dernier valet d'Hellequin

Qui des âmes scelle le sort

4

Public ami ainsi me vois

Fanal en main mal assuré

Dans ce caveau en grand effroi

Profaner l'escalier sacré

4.

E tu public que’m veds aquiu

Dens lo tahuc halha a la man,

A profanar mei mort que viu

Aqueste sacrat escalar

5

Je suis occis si l'on me voit

Car aujourd'hui est arrivé

Le temps où l'on mène au trépas

Ceux qui respectent le passé

6

En telle crypte l'on me voit

Au cœur de ce temps la machine

Protège rassure et renvoie

De l'humanité la racine

7

Engeance humaine pauvre erre

Que comprenne ceci qui le peut

Mais le pouvoir tombe en jachère

Quand le tyran en fait l'aveu

8

A quoi ça sert de commander

Et d'accumuler les butins

Quand c'est pour tout abandonner

A la Camarde le destin

9

Pour grande édification

Public ami observe et juge

D'un seigneur comte l'ambition

Qui attire et toujours gruge

10

Car ici même au doux Béarn

Il mourut après chasse folle

Prince qui n'eut aucune larme

Car pour les siens plusieurs paroles

11

Voici où dort depuis des ans

Gaston Fébus prince soleil

Dont la devise Febus aban

Fut en son temps le seul conseil

12

Même disait ce grand seigneur

Toques si gauses à tout chrétien

Qui croisait pour un grand malheur

Gaston Fébus sur son chemin

13

Gaston Fébus Prince de Foix

Gésir ici en solitude

Cela est singulier ma foi

De voir tes os en foultitude

14

Est-ce ton crâne ou ton couillon

Dedans la terre remuée

C'est à grande abomination

Que ton cadavre fut livré

15

Et petit moi suis condamné

Tous les ans à remettre en place

Dans ce caveau fort mal aimé

Du grand Fébus pauvre carcasse

16

Gentil public veux-tu apprendre

Ce qu'il advint du fier vicomte

Quand arriva son temps de prendre

De sa vie le dernier acompte

17

Mais tu n'entends jamais assez

Que loin de racheter l'envie

La mort revient au trépassé

De payer sa geste le prix

18

Que périsse par son pêché

Celui qui fut maître de chasse

Qui tua cerf loup beau gibier

Et de l'ours affronta l'audace

19

Ainsi finit aux bois d'Orion

Lors d'une folle chevauchée

Pour avoir fait folle ablution

Du fier vicomte l'épopée

19.

Atau fení aus bòscs d’Aurion

Deu viscomte la cavaucada

Per ua sola ablucion

L’epopèia s’ei acabada

20

Ainsi pendant Cent Ans de guerre

Contre l'Anglais et le Français

Gaston Fébus comme un tonnerre

Acheva son temps foudroyé

20. Qu’èra la guèrra deus Anglés

E deus Francés ua longa guèrra

Gaston Fèbus hodre biarnés

Acabè fulminat sus tèrra

Froissart

Le Comte Gaston de Foix,... en ce temps que je fus devers lui, avait environ cinquante-neuf ans d'âge. Et vous dis que j'ai en mon temps vu moult de chevaliers, rois, princes et autres ; mais je n'en vis oncques nul qui fût de si beaux membres, de si belle forme, ne de si belle taille et viaire bel, sanguin et riant, les yeux vairs et amoureux là où il plaisait son regard à asseoir.....

            

De toutes choses il était si très-parfait, que on ne le pourrait trop louer. Il aimait ce qu'il devait aimer, et hayait ce qu'il devait haïr. Sage chevalier était et de haute emprise et plein de bon conseil, et n'avait eu oncques nul marmouset d'encoste lui. Il fut prud'homme en régner. Il disait en son retrait planté d'oraisons, tous les jours une nocturne du psautier... et tous les jours faisait donner...l'aumône à sa porte à toute gens... Il fut large et courtois en dons... D'armes et d'amour volontiers se déduisait...

           

...Et quand de sa chambre à mie nuit venait pour souper en la salle, devant lui avait douze torches allumées que douze varlets portaient... qui donnaient grande clarté en la salle … pleine de chevaliers et d'écuyers ; et toujours étaient à foison tables dressées pour souper, qui souper voulait.... Il prenait en toute ménestraudie grand ébattement... Il faisait ses clercs volontiers chanter chansons, rondeaux et virelais...

21

Gaston Fébus aimait les femmes

Toutes celles à beau caractère

Avec lesquelles perdait son âme

Sans peur d'y laisser l'aumônière

21.

Fèbus las damas s’avè gai

Subertot las de bon capatge

Pèrder-s’i l’amna aquò rai

O si a la borsa hasèn ravatge

22

On dit aussi que quelque nonain

Tendre écuyer charmant puceau

Reçurent du comte un tour de main

Qu'ils n'oublièrent de si tôt

22.

Que’s ditz tanben que tau monjon

Trende escudèr charmant puncèu

Avón deu comte l’atencion

Passats se’n serén quin degrèu

23

Mais que serait l'engeance humaine

Si du présent elle ne vivait

Tous les bonheurs toutes les peines

Qu'offre la vie à grand regret

24

Profite ami public profite

Du temps présent fais ce qu'il plaît

N'oublie jamais que je tiens quitte

La mort arrive sans regret

25

J'en sais moi petit quelque chose

Qui trace mes soulier poudreux

Dans le tombeau et la nécrose

Du bandeur au foutre glorieux

26

Promis en temps de plus jeune âge

Gaston de Foix a épousé

Une tendresse nubile et sage

Qu'un grand poète a enseigné

26.

Afiusada au temps de joenessa

Gaston de Foish l’a esposada

Puncela plea d’astruguessa

Qu’un gran poèta avè’scoliada

27

Agnès enfant de roi de France

Chantait et aussi versifiait

De Machaud Guillaume en prudence

Elle fut parfaite élevée

27.

Agnès hilha deu rei de França

Be cantè hèra e rimè

De Guilhem Machaud l’ahilhança

Jamei era non desleishè

28

Mais point les muses ne suffisent

A aimer et à être aimée

Quand de Navarre souffle la bise

Et du roi Charles le Mauvais

28.

Mes las musas non dan pro gana

Tà aimar e tà’star aimada

Quan Navarresa, la bisana

De Carles lo Mau hè balada

29

Car il était frère d'Agnès

Et retint une fois pour toute

Par devers lui la dot en pièces

Pour que Fébus fit banqueroute

29.

La doça Agnès qu’estó ostatja

Totun au Fèbus que balhè

De l’amor lo mei beròi gatge

Charmant e nut un airetèr

30

La douce Agnès victime otage

Cependant offrit à Fébus

De son amour le plus beau gage

Un héritier charmant et nu

31

Pendant qu'Agnès marchait en France

Le vicomte s'est bien consolé

Avec dame en belle élégance

Qui lui donna vague héritier

32

Aussi aimé est-il du père

Le jeune Yvain n'est qu'un bâtard

Heureux vit oncques avec son frère

En chasse guerre et d'autres arts

33

Mais le moment le plus terrible

De la vie même de Fébus

Vint de certain filtre indicible

Que l'héritier voulut qu'il but                       

34

Ne plaignons point les héritiers

Qui plutôt que d'être sages

Dans l'insouciance et le tapage

Se déchirent en grande pitié

35

Et je sais de grands capitaines

Qui par l'argent sont dévorés

Fébus a donc autant de haine

Que dans Orthez trésors gardés

36

Fébus a donc assassiné

De ses mains le jeune Gaston

Quand son bâtard périt brûlé

Il en a tiré les leçons           

37

Aussi vrai que suis un bouffon

En cette ruine de tombeau

Ne sais crânes ou médaillons

Du père ou fils qui le plus beau

Froissart

Quand ce vint sur le point que l'enfès dut partir, le roi de Navarre le traït à part en sa chambre secrètement et lui donna une moult belle boursette pleine de poudre, de telle condition que il n'était chose vivante qui, si de la poudre touchait ou mangeait. « Gaston dit le roi, beau neveu, vous ferez ce que je vous dirai....Le comte de Foix, votre père, a, à son tort, en grande haine votre mère, ma sœur ; et ce me déplaît grandement... »

            

...Quand il viendra à point, vous prendrez un petit de cette poudre et en mettrez sur la viande de votre père et gardez bien que nul ne vous voie. Et sitôt comme il en aura mangé, il ne finera jamais ni n'entendra à autre chose, fors que il puisse r'avoir sa femme votre mère avecques lui et s'entr'aimeront à toujours.

           

L'enfès se partit de Pampelune et s'en retourna à Ortais. Le comte de Foix, son père, lui fit bonne chère, et lui demanda des nouvelles de Navarre et quels dons ni joyaux on lui avait donnés... et tous les montra exceptée la boursette où était la poudre..

           

Gaston et Yvain, son frère bâtard, gisaient ensemble en une chambre et s'entr'aimaient ainsi que des enfants frères font, et se vêtaient de cottes et d'habits ensemble... Ils s'entre-changèrent leurs cottes et tant que la cotte de Gaston, où la poudre et la bourse étaient, alla sur la place du lit d'Yvain, frère de Gaston. Yvain qui était assez malicieux, sentit la poudre en la bourse

            

« Gaston quelle chose est ci que vous portez tous les jours à votre poitrine ? » « Rendez-moi ma cotte, Yvain ; vous n'en avez que faire. » Yvain lui rejeta sa cotte. Gaston la vêtit. Si fut ce jour trop plus pensif que il n'avait été au devant....  Si advint dedans trois jours après … que Gaston courrouça son frère Yvain pour le jeu de paume et lui donna une jouée. Il s'en courrouça et enfélonna et entra tout pleurant en la chambre son père « ...depuis que il est retourné de Navarre, il porte à sa poitrine une boursette toute pleine de poudre, mais je ne sais à quoi elle sert, ni que il en veut faire, fors tant que il m'a dit une fois ou deux que madame sa mère sera temprement et bien bref mieux en votre grâce que oncques ne fut. »  

Froissart

Le comte de Foix entra lors en grand'imagination, et se couvrit jusques à l'heure du dîner, et lava et s'assit à table, en sa salle. Gaston son fils avait d'usage que il le servait de tous ses mets... Le comte jette ses yeux, qui était tout informé de son fait, et voit les pendants de la boursette au gipon de  son fils. « Gaston, viens avant, je vueil parler à toi en l'oreille ». Il s'avança de la table. Le comteouvrit lors son sein et desnoulla lors son gipon et prit un coustel et coupa les pendants de la boursette, et lui dedemoura en la main, et puis dit à son fils : « Quelle chose est-ce en celle boursette ? » L'enfès, qui fut tout surpris et ébahi,..., devint tout blanc de paour et tout éperdu, et commença fort à trembler car il se sentait forfait.

            

Le comte de Foix ouvrit la bourse et prit de la poudre, et en mit sur un tailloir de pain et puis siffla un lévrier … et lui donna à manger. Sitôt que le chien ot mangé le premier morsel, il tourna les pieds dessus et mourut. Le comte de Foix fut courroucé, il y ot bien cause et se leva de table et prit son coutel et voult lancer auprès son fils, et l'eut là occis sans remède, mais chevaliers et écuyers saillirent au-devant...

            

...Monseigneur pour Dieu merci ! Ne vous hâtez point, mais vous informez de la besogne avant que vous fassiez à votre fils nul mal. » Et le premier mot que le comte dit, ce fut en son gascon «  O Gaston, traitour, pour toi et pour accroître ton héritage qui te devait retourner, j'ai eu guerre et haine au roi de France, au roi d'Angleterre, au roi de Navarre et au roi d'Aragon, et contre eux me suis-je bien tenu et porté ; et tu me veux maintenant murdrir. Il te vient de mauvaise nature. Sache que tu en mourras à ce coup. »

            

Mais chevaliers et écuyers se mirent à genoux en pleurant devant lui, et lui dirent « … n'occiez pas Gaston ; vous n'avez plus d'enfants. Faites-le garder et informez-vous de la  matière : espoir ne savait-il que il portait, et n'a nulle coulpe à ce mesfait. » « Or, tôt, dit le comte, mettez-le en la tour et soit tellement gardé que on m'en rende compte.

Froissart

Le comte de Foix le faisait tenir en une chambre en la tour où petit avait de la lumière et fut là dix jours. Petit y but et mangea,  combien que on lui apportait tous les jours assez à boire et à manger. Mais quand il avait la viande, il la détournait et n'en tenait compte … Le comte le faisait là tenir, sans nulle garde qui fût en la chambre avecques lui, ni qui le conseilla ni confortât ; et fût l'enfès toujours en ces draps ainsi comme il y entra. Et si se mérencolia grandement et maudissait l'heure que il fut oncques né ni engendré, pour être venu à telle fin.

            

Le jour de son trépas, ceux qui le servaient de manger lui apportèrent la viande. Gaston n'en fit compte et dit « Mettez-la là. » Cil qui le servait de ce que je vous dis, regarde, et voit en la prison toutes les viandes que les jours passés il avait apportées. A doncques referma-t-il la chambre et vint au comte de Foix et lui dit « Monseigneur pour Dieu merci ! Prenez garde dessus votre fils, car il s'affame là en la prison où il gît »...    

            

De celle parole le comte s'enfélonna, … il se partit de sa chambre, et s'en vint vers la prison où son fils était et tenait à la male heure un petit long coutel dont il appareillait ses ongles et nettoyait.Il fit ouvrir l'huis de la prison, et vint à son fils et tenait l'alemelle de son coutel par la pointe, et si près de la pointe que il n'y en avait pas hors de ses doigts la longueur de l'épaisseur d'un gros tournois. Par mautalent, en boutant ce tant de pointe en la gorge de son fils, il l'asséna, ne sais en quelle veine, et lui dit « Ha, traitour ! Pourquoi ne manges-tu point ? »

            

L'enfens fut sang mué et effrayé, avec ce qu'il était faible de jeûneret que il vit ou sentit la pointe du coutel qui le toucha à la gorge... mais ce fut en une veine ; il se tourna d'autre part, et là mourut.

           

Ainsi en alla que je vous conte de la mort de Gaston de Foix : son père l'occit voirement, mais le roi de Navarre lui donna le coup de la mort. »

AURÒST

(Livre des oraisons)

Après la mort de l’héritier
Gaston de Foix fût à prier
Sire beau Dieu en grand douleur
Je n’aurai plus aucun bonheur

Mon fils et moi étions mauvais
L’âme vilaine le cœur fermé
Le fouet bien attendri nos chairs
Point nos pensées point nos grands airs

Voilà je suis le plus endurci
En fureur et en tromperie
Le plus tendre s’en est allé
Car mes mains l’ont assassiné

Je ne suis pas en repentance
Mais devant vous fais allégeance
Sire beau Dieu je le pardonne
De Navarre être l’épigone

Que seront nos corps mortifiés
Après avoir tous trépassés
Je te supplie doux créateur
Le chemin montrer à mon cœur

Quand mes dents se contracteront
Que mes narines pourriront
Que mes lèvres deviendront laides
Que ma langue se fera raide

Les vers sont promis à mon corps
Rien ne demeure après la mort
Si donc Seigneur suis devant toi
La route de l’Homme désigne-moi

38

Que reste-t-il de la fureur

Qui vit périr tant de nos pères

Par les fléaux et les malheurs

Qu'engendrent toujours grandes guerres

39

Car celle-là dura cent ans

Cent années de pauvre misère

Pour les seigneurs et braves gens

Dieu ne put alors rien y faire           

40

Famine fut un moindre mal

Pour notre royaume de France

Qui perdit flotte et amiral

Et de l'Anglais son arrogance

41

Après que la chevalerie

Sous traits archers fut effondrée

Dans la grand plaine de Crécy

Le doux Valois fut éploré

42

Survint alors de l'Orient

Comme roulement de tonnerre

La perdition de tant de gens

Quand peste déferla sur terre           

43

Un sur deux est pestiféré

Mais qui prie Dieu ne l'écoute

Le beau Béarn est épargné

Et son vicomte point en route

44

Nul ne vit plus gentil seigneur 

Bellement mis sur sa monture

Vaches de gueule en grand bonheur

De feu à cimaise d'armure

45

Dans Paris auprès de Philippe

Il reçut féale amitié

Mais au roi Jean ne fit équipe

Armagnac lui fut préféré          

 46

Fébus du Mauvais roi Navarre

Ne déjoua point les complots

Le roi Jean qui ne cria gare

A Poitiers mena le chaos

47

France vit la guerre civile

Le Prince Noir l'encouragea

Fébus alors se fit agile  

Croisade en Prusse il mena

48

Retour barbare et triomphant

Vint en France tua les Jacques

Tous pauvres gens désespérant

De souffrances et vaines attaques                     

49

A Maux les gueux tenaient les dames

Toutes princesses de sang royal

Les gueux épouvantaient les dames

Fébus leur fit payer le mal 

50

En héros du dauphin de France

Gaston Fébus peut exiger

Du pape Innocent redevance

Et trésor d'écus de  Poitiers

51

D'or ardrant belle chevelure

Fébus dernier preux d'Occident

Au Béarn fit architecture

Des plus fiers chasteaux d'Occident           

52

Il batît même grandes églises

Tinels gothiques flamboyants

Chrestias et engeance insoumise

Ralièrent Béarn triomphant

53

La guerre et encore la guerre

Gentil public pardonne -moi

De te conter tant de misères

Mais c'était ainsi autrefois           

54

Quand les puissants entrent en colère

Des frères humains ne se soucient

Tout est profit tout est  affaire

Et peu leur importe le prix

55

Que maudits soient les grands seigneurs

Et mêmement Gaston Fébus

L'Armagnac et ses vavasseurs

Qui à Launac furent vaincus

56

En l'an de Grâce du Seigneur

Mille trois cent soixante deux

Fébus d'Armagnac fut vainqueur

Et d'Occident devint le preux           

57

Pour le Béarn il s'agissait

De se rassembler jusqu'à Foix

Entre l'Anglais et le Français

De faire pays devers soi

58

L'Armagnac et ses féodaux

Tous prisonniers tous rançonnés

Durent payer de lourds impôts

Et devant Béarn s'humilier 

59

Et jamais de tout l'Occident

L'on ne vit plus riche seigneur

Ni donjon plus garni d'argent

Que Moncade à ses riches heures

60

Gaston Fébus se sépara

Alors des grandes compagnies

Des mercenaires qu'il employa

Il dut alors payer le prix           

61

Gaston Fébus rusé vicomte

Ne put cependant pas saisir

Le Languedoc pour tout acompte

Qu'un autre seigneur put ravir

62

Mais du bon et doux roi de France

Gaston Fébus devint l'ami

Il fut reçu en élégance

Dans Toulouse par celui-ci  

63

Alors amis que retenir

De toutes ses nobles histoires

Qui peuvent faire réfléchir

Aux vanités de notre histoire

64

Dans ce tombeau que reste-t-il

Des traces de tant de richesses

Quelques ossements en péril

Et ni joie ni pleurs ni tristesse

65

Dites-moi où sont retirées

Les trompettes de la gloire

Et puis toute autre vanité

Qui procure soif du pouvoir           

66

Tout existe le temps de l'homme

Après cela qu'en reste-t-il

Où êtes-vous Jacques Bonhomme

Et Du Guesclin dans quel exil

67

Seuls demeurent les faits de l'âme

Et pour toute édification

La chair on sait devient infâme

Finit en putréfaction

68

Le grand Fébus et beau vicomte

D'oeuvres d'art tient sa renommée

Siècles qu'elle traversa ne comptent

Pour grand chasseur il s'est donné

69

Veneur qui instruisit ses pairs

De toutes bêtes qu'il chassait

Des pièges claies poisons et fer

Que tout ami doit pratiquer           

70

Las des crimes et des tourments

Que les frères font à leurs frères

Bourreaux craignez le châtiment

Si vous trahissez l'art de faire

71

Ne chassez point en cruauté

Respectez l'animal sauvage

A qui Dieu a bien montré

Comment vivre en très grand partage

72

Forêts de Béarn et d'autres lieux

Qui belles bêtes abritez

Protégez les dedans vos creux

Comme Marie au Christ ferait

73

Valets n'oubliez point les chiens

Qui sont les plus fidèles à l'homme

Les aimer et les soigner bien

A courre ils seront gentilshommes

74

Mais l'empereur des animaux

Devant qui Goupil n'en peut mais

En face à face dedans la peau

Seule dague doit pénétrer

75

Maître l'Ours est Christ dans le bois

Il fait miracles en forêts

Ne pas tenir bête aux abois

A grand respect le saluer

76

L'on dit à Orion Sauveterre

Qu'au bois Fébus rencontra l'Ours

La bête lui fit mordre terre

Ce fut alors son dernier tour

77

Mais qui des deux était la bête

L'homme Fébus ou le Dieu Ours

Mais qui fait l'ange fait la bête

C'est ainsi jusqu'au dernier jour

78

Echo parlant sur la rivière

Que tout n'est pleurs au bourg de Pau

Le vicomte en belle manière

S'est tondu de bas en haut           

79

A Notre Dame du Bout du Pont

Il sacrifia sa chevelure

Et ce fut pour absolution

Qu'en repentance il prit la bure

80

Grimpa tout en haut du donjon

En chambrette fort obscure

Il pleura comme enfançon

Toute une vie le malheur dure

81

Et celui-ci plus qu'aucun autre

Car pris de démente colère

Fébus s'en dire patenôtre

A tué son fils feudataire

82

Pour quelque crime qu'il ait commis

Cela valait-il la misère

L'héritier mort que reste-t-il

Au plus grand prince de la terre           

83

Alors il fit des Oraisons

Qu'un moine ami sur parchemin

Transcrivit bel en compassion

En humble Fébus s'y dépeint

84

Il souffre tant de cruauté

Et de violence et de colère

Qu'il effraie tant l'Humanité

Sans épargner mère ni frère 

85

Il n'aimait point son fils aîné

Il n'aimait point trop ses manières

Félonie avait hérité

De son oncle et de sa mère

86

Sainte Vierge pardonnez

Non point le crime accompli

Mais tous les crimes du passé

Qu'ambition mienne a conduits                      

87

Oraisons Oraisons funèbres

Maudits soient tous ceux de ce temps

La danse macabre célèbre

Tous ses valets obéissants 

88

Et l'on vit alors en miracle

Le plus beau prince occitan

Monter en haut sur la terrasse

Et regarder le firmament

89

Il était quelque fois poète

A sa muse disait ceci

Muse croit que la vie n'est faite

Et accomplie que pour l'esprit

90

Il ne chantait point d'amusettes

Ni ses faits d'armes ni ses trophées

Mais quand il se faisait poète

C'est la nature qui l'inspirait           

91

Maintenant Béarn possédait

Les plus beaux châteaux de France

Fébus les avait érigés

Pour protéger ses allégeances

92

Fut Maitre Sicard de Lordat

Le bâtisseur grand architecte

De briques rouges il édifia

Porches-donjons toujours en tête 

93

Mauvezin veillait sur Bigorre

Morlane défiait l' Anglais

De Moncade Guyenne éplore

Mais le plus fort est Montaner

94

L'Armagnac ainsi méprisé

De Launac voit la remembrance

Devant la tour de Montaner

Il a perdu son arrogance            

95

Est-ce pour fuir d'Orthez le drame

Que Fébus tira la leçon

Il fit à Pau venir ses armes

Ses hommes liges et ses garçons

96

Tout en haut face à la montagne

Du donjon face au pic d'Ossau

Fébus en pays de cocagne

Songe à sa vie qui passe trop           

97

Alors le prince dit demain

Je partirai aux bois d'Orion

Pour oublier tous mes chagrins

Et traquer l'ours sans rémission

98

Pour lors en icelle nuitée

Lui vint en tête belle chanson

Qu' un jour lui avait inspirée

Agnès de France sans façon

99

Où es-tu où es-tu ma belle

Peux-tu pardonner mes actions

Je suis puissant mais solitaire

Dieu m'a pris trop en punition

100

Et Si canti jo que canti

Chanson cathare où es tu

Mais c'est Fébus en poésie

Prince Occitan qu'est devenu

                                                                                                                                                                                                  
                                                                                                             
         


Date de création : 20/09/2019 - 17:55
Catégorie : 2019 Gaston Fébus - La pastorale "Au hossat de Fèbus"
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